Pour les professionnels du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, l’accompagnement alimentaire est une mission essentielle. Préparer les repas ne s’improvise pas : cela demande à la fois des compétences techniques, du bon sens pratique et une vraie qualité d’écoute. Au-delà de l’assiette, il s’agit de faire du repas un moment à la fois équilibré, agréable et adapté aux besoins de chacun. Lisa Rémy, diététicienne nutritionniste, nous éclaire sur les enjeux spécifiques de cette mission et souligne l’importance d’un accompagnement personnalisé.
Pourquoi l’alimentation est un enjeu central pour les publics accompagnés à domicile, comme les jeunes enfants ou les personnes âgées ?
« Pour les enfants, l’enjeu principal est de leur permettre d’emmagasiner les réserves nécessaires pour grandir correctement, et les habituer à consommer équilibré pour qu’ils deviennent des adultes qui mangent de tout, en bonne santé. Il faut éviter les carences (fer, calcium, vitamine D, etc.) : les réserves se constituent pendant l’enfance et ce, pour toute la vie. Un enfant carencé en calcium notamment ne pourra pas rattraper son retard une fois devenu adulte. Les apports en lipides sont également essentiels, chez le bébé et le jeune enfant, car ils contribuent au bon développement du cerveau.
Concernant les personnes âgées, il peut y avoir de multiples problématiques : santé, dénutrition, solitude, dépression, diabète, cholestérol, tension, etc. Respecter la pathologie, s’il y en a une, est très important, tout comme s’adapter aux traitements. L’enjeu majeur est d’éviter la dénutrition ou les carences qui peuvent dégénérer et créer un engrenage comme une hospitalisation qui, bien souvent, aggrave encore la dénutrition, la fatigue, la sensibilité aux bactéries et virus, et peut entraîner une perte d’autonomie plus importante ».
Quels sont les principaux défis rencontrés par les professionnels pour assurer un suivi alimentaire approprié ?
« Il est indispensable de savoir écouter, s’adapter, de prendre en compte toutes les parties prenantes : les parents de l’enfant que l’on garde, l’enfant bien sûr, la personne âgée dont on s’occupe, mais aussi ses proches. L’alimentation fait partie de l’identité de chacun, elle est notre carburant pour être en bonne santé : avant de conseiller, il faut comprendre comment la personne ou la famille fonctionne. L’accompagnement alimentaire passe par du dialogue, de l’observation ».
Comment peut-on détecter les signes de dénutrition ou de carence dans un contexte d’accompagnement à domicile ?
« Les personnes âgées font souvent des prises de sang, elles sont un bon indicateur de leur état de santé, notamment le taux de fer qui peut trahir une anémie s’il est faible, la glycémie, le cholestérol, les leucocytes (un taux anormal indique qu’il y un souci de santé). Une perte de poids rapide, de la fatigue, des vertiges, sont aussi les signes d’une possible dénutrition.
Pour les enfants, il est plus juste de parler de déséquilibre alimentaire ou parfois d’intolérance. Les indicateurs sont une prise ou une perte de poids rapide, de la fatigue. Il est important de savoir si l’enfant a des allergies ».
Quelles recommandations donneriez-vous aux professionnels ou aux familles pour mieux accompagner l’alimentation à domicile et concilier équilibre nutritionnel, préférences alimentaires, et contraintes pratiques ?
« Pour les enfants, la diversification alimentaire est primordiale. S’ils rejettent certains aliments, il peut être judicieux de les présenter sous une autre forme. Il ne faut pas hésiter à conseiller les parents tout en suivant leurs attentes, à faire goûter de nouveaux aliments, des plats de cultures différentes, à diversifier les repas, à rendre les enfants curieux de la nourriture. C’est formidable de leur donner envie, de leur apprendre que manger est un moment de plaisir, qu’il est possible de découvrir encore et encore de nouveaux mets cuisinés à travers le monde. Il est nécessaire de leur expliquer à quoi sert l’alimentation. C’est une véritable éducation alimentaire.
Auprès des personnes âgées, il est important de créer une communication, un moment agréable de partage, en mangeant avec elles, par exemple, pour que ce soit plus convivial, de respecter leur culture. Le professionnel peut interroger le sénior sur ce qu’il aimait préparer et manger, pour cuisiner avec lui, si cela est possible, des produits frais et appétissants. J’ajouterais que le budget n’est pas un vrai sujet : il est possible de préparer de bons repas sans dépenser beaucoup, en choisissant les légumes de saison notamment. La clé est de penser « alimentation plaisir » pour (re)donner l’envie de manger ».
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