
Les employés familiaux, assistants de vie, assistants maternels et gardes d’enfants exercent des métiers essentiels. Travailler auprès des familles et des personnes dépendantes nécessitent une grande implication mais peut aussi engendrer une charge mentale et émotionnelle forte qui risque de conduire à un oubli de soi. Valoriser ses compétences, c’est aussi se reconnaître le droit au repos, à l’écoute de soi, à la prévention, à la formation, à l’échange avec les autres.
Entre passion et pression : les métiers du domicile à l’épreuve
C’est un paradoxe que vivent beaucoup de salariés du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile : ils prennent soin des autres mais pas (toujours) d’eux-mêmes.
1,3 million de professionnels en France assurent quotidiennement les missions essentielles d’assistants de vie, assistants maternels, gardes d’enfants et employés familiaux, et 89% d’entre eux sont fiers de les exercer1. Capacité d’adaptation, écoute active, gestion de situations d’urgence, planification du quotidien, autonomie : autant de savoir-faire et de savoir-être qui font la richesse de leur expertise. La fierté et les compétences n’excluent pas de ressentir parfois une lassitude, un sentiment d’isolement et d’un manque de reconnaissance. Ce sont des signaux forts : l’engagement ne doit pas devenir une surcharge.
L’Observatoire de l’emploi à domicile apporte des éclairages sur les risques psycho sociaux des salariés du secteur. Ainsi, concernant les assistants de vie, plusieurs facteurs de pénibilité du travail et d’usure professionnelle ont pu être identifiés et notamment la gestion du temps et des déplacements, ainsi que les sollicitations physiques et cognitives.
Par ailleurs, l’isolement des salariés du secteur tend à accroitre les exigences émotionnelles, tout comme des situations parfois éprouvantes (notamment avec des personnes âgées et dépendantes), ou encore la gestion du multi-emploi (56% ont au moins deux employeurs1).
On peut aussi citer ce chiffre issu des enquêtes Conditions de travail de la Dares2 concernant les assistants maternels et qui révèle que les durées travaillées sont très longues et occupent des plages horaires qui échappent largement aux rythmes du travail salarié en France. Plus du quart de ces professionnels travaillent très tôt le matin : à 7 heures du matin, on observe que 30 % des assistants maternels travaillent déjà, c’est deux fois plus que l’ensemble des salariés.
Identifier les signes d’épuisement professionnel
Les métiers du domicile sont synonymes d’une grande autonomie, mais celle-ci ne préserve pas de tout. S’écouter, échanger, ce ne sont pas des vains mots. Cindy Charrié, psychothérapeute et énergéticienne, le confirme à travers son expérience de formatrice auprès des salariés du secteur : « La majorité de ceux que je rencontre dit se sentir perdue. Le manque de communication claire avec les employeurs revient souvent, ainsi que le manque de reconnaissance, l'absence du respect des horaires. Les assistants de vie font aussi part de manifestations physiques qui traduisent leur mal être et qui les font culpabiliser de ne pas pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes. Verbaliser, travailler en groupe, ce sont déjà des grands pas en avant ».
Notre experte insiste sur les premiers symptômes qui doivent alerter : « Cela commence par de simples contrariétés qui font ressentir des émotions inconfortables. La respiration devient de moins en moins profonde, plus saccadée. On se sent comme en apnée, à manquer d'air. On peut souffrir de maux de tête parce qu’on se « prend la tête », de tensions dans le corps, dans le cou, dans le dos également car « on en a plein le dos ». Ça peut être une prise de poids, de la rétention d'eau car « ça nous gonfle ». Le diaphragme est bien souvent bloqué ». A cela peuvent s’ajouter d’autres signaux : « Ces professionnels sont parfois amenés à se sur-adapter jusqu’à s’oublier. Ils ne sont plus à l’écoute des messages envoyés par leur corps. Leur système émotionnel leur fait vivre les montagnes russes : la culpabilité, la colère, le manque de confiance en soi, autant de signes annonciateurs que des limites ont été franchises, des valeurs non respectées ». Parfois, la souffrance est encore plus violente : « Lorsqu’il est question de burn-out, je leur explique que leur flamme vitale brûle à l’extérieur et non plus en eux ».
Prendre soin de soi, c’est aussi cultiver ses compétences
Les compétences des salariés du domicile, celles qui les ont amenés à exercer un métier de l’humain, celles qui sont reconnues par les employeurs, méritent d’être valorisées et non pas sabotées. Comment ? En prenant conscience que s’accorder du temps, ce n’est pas se retirer, c’est se ressourcer ! Des pauses dans la journée sont indispensables pour se reconnecter à soi-même et préserver sa patience et sa capacité d’écoute, des techniques de respiration peuvent aussi aider à contrôler ses émotions, sans oublier le dialogue autour de soi (proches, employeurs, etc.).
Se former est un levier d’action très bénéfique. Cela permet d’avoir du temps pour soi-même, de comprendre ce qui peut nous fragiliser, de renforcer son expertise, d’acquérir de nouvelles compétences et d’échanger avec ses pairs sur son métier, son évolution, son avenir. Sabrina apprécie, lors des formations, « de sortir, de rencontrer des collègues, de partager des pratiques, des doutes ». Pour Rose Marie, « C’est important de se retrouver, de parler. Mon métier m’épanouit aussi parce que je suis bien entourée. Être seul, c’est un danger ». Cindy Charrié ajoute son expertise : « Il ne faut pas forcément attendre d’être mal pour réagir ou pour venir se former. La formation sert avant tout à s’informer pour mieux anticiper ». La psychothérapeute et énergéticienne détaille : « Face aux apprenants, le formateur se place en position d’accueil de leurs mots, leurs émotions, leurs expériences, leurs larmes, avec compassion. Pour ma part, je fais en sorte de leur offrir des outils de connaissance de soi, de reconnexion à qui ils sont au-delà de leur statut professionnel ».
Pour aller plus loin dans le collectif, il peut être salvateur de rejoindre un groupe, des forums, de participer à des cafés-rencontre. Citons, par exemple, les Relais Assistants de Vie (RAVie), spécifiques au métier d’accompagnant des personnes âgées ou en situation de handicap. Ce sont des lieux d’échange, de soutien et d’information très appréciés des salariés, à l’instar de Serge qui évoque « Un outil précieux pour accéder ensuite à toutes les formations de la branche ».
Désormais, les salariés du secteur bénéficient également du Service de Prévention et de Santé au Travail National (SPSTN). Ce nouveau service propose un service de prévention et de santé au travail adapté au secteur. Il vise à simplifier les démarches administratives et à faciliter la gestion des relations entre les particuliers employeurs et les salariés à domicile.
Prendre soin de soi, c’est renforcer ses capacités professionnelles. En évitant l’épuisement, les professionnels garantissent un service humain, bienveillant et durable, ils honorent leur métier. « Nous ne pouvons offrir que ce que nous avons, si nous sommes vidés, quelles ressources pouvons-nous apporter ? » conclut Cindy Charrié.
Vos compétences sont précieuses et votre santé l’est tout autant. Et si aujourd’hui, vous décidiez de vous écouter et d’être écouté ?
1 Fédération des Particuliers Employeurs de France (Rapport sectoriel 2023)
2 Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques
2 Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques
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